Par le prisme médiatique, le livre « Seule contre tous ! L’histoire d’une équipe » nous fait revivre la fabuleuse aventure de l’équipe de France de football de sa construction à sa victoire en 1998 au travers des déclarations, des archives et des articles de l’époque. Rencontre avec l’auteur de cet ouvrage, Alexandre Fievée.
Vous avez souhaité raconter la fantastique aventure des Bleus par le prisme médiatique. Pourquoi ce choix ?
J’aime bien l’exercice qui consiste à raconter un évènement, une histoire, à partir des déclarations qui ont été faites au moment où les faits se sont déroulés. L’objectif étant de restituer la vérité du moment, celle que la mémoire individuelle (mais aussi la mémoire collective) a plus de mal à restituer. Et je trouvais que l’aventure des Bleus de Jacquet se prêtait parfaitement à cet exercice, compte tenu du nombre important d’articles qui ont été écrits sur eux les quatre années qui ont précédé le sacre.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un livre sur l’histoire de cette équipe de France ?
L’envie de rappeler aux gens que les images que nous gardons de cette Coupe du monde (principalement celles du 12 juillet 1998) ne doivent pas faire oublier d’autres, un peu moins joyeuses : les critiques, les attaques, la blessure d’un homme (Aimé Jacquet), les sifflets, le retournement de l’opinion publique…
A-t-il été difficile de récupérer toutes ces déclarations, ces archives et les articles de l’époque ?
Non. A partir du moment où j’avais le calendrier des matches de l’équipe de France sur la période 1993-1998, j’ai pu récupérer les articles de l’époque à la Bibliothèque François Mitterrand. Par ailleurs, j’ai visionné sur le site de l’INA de nombreuses archives TV. J’ai aussi acheté en ligne tous les numéros de France Football de cette période.
Parmi toutes les archives que vous avez pu recueillir, quelle est celle qui vous a le plus marqué ?
Une interview d’Aimé Jacquet de novembre 1995, dans laquelle il indique, à l’issue des éliminatoires de l’Euro 96 : « Je ne pardonnerai rien. On a attaqué l’homme, parce qu’il n’était pas possible d’attaquer la compétence ». Tout ça pour dire que sa rancœur est très ancienne… Sa célèbre déclaration après le coup de sifflet final contre le Brésil – « Je ne pardonnerai jamais » – trouve donc sa source plusieurs années avant.
Vous ne donnez quasiment pas votre opinion dans ce livre. Pourquoi ce choix ?
Le récit est brut et chronologique, afin de permettre aux lecteurs de se faire plus facilement leur propre opinion. Je sais que nous vivons une période dans laquelle chacun est invité à donner son avis sur tout et n’importe quoi. Ce livre s’inscrit un peu en rupture avec cette tendance-là.
De 1994 à 1998, l’équipe de France a été violemment critiquée par les médias français et n’a pas toujours été soutenue par l’opinion publique. Comment vous l’expliquez ?
C’est difficile à expliquer. Est-ce la faute de l’équipe de France qui ne parvenait pas à convaincre par la qualité de ses prestations ? Celle de son sélectionneur qui ne parvenait pas à expliquer ses choix, sa ligne directrice ? Celle de la presse spécialisée qui était animée par de mauvaises intentions ? Je ne sais pas. Ce qui est clair, en revanche, c’est la position d’Aimé Jacquet sur le sujet : l’entreprise de démolition dont il a fait l’objet de la part du journal L’Equipe avait fait son œuvre dans l’esprit des lecteurs et donc des supporters.
Ce qui émane de ce livre, c’est l’acharnement médiatique contre Aimé Jacquet. Comment pouvez-vous expliquer cela ?
Au départ, ce ne fut probablement qu’un débat sur jeu. D’un côté, les journalistes de L’Equipe qui expliquaient que sans beau jeu l’équipe de France ne pourrait pas prétendre à grand-chose. Et d’un autre côté, Aimé Jacquet qui soutenait que le beau jeu est accessoire et que seule la victoire compte. Et puis, par certaines décisions, Aimé Jacquet a fait naître un sentiment profond de défiance chez ces journalistes. Bref, ces derniers regrettaient que cette équipe de France soit dirigée par un sélectionneur qui n’avait pas les épaules pour la mener vers le titre suprême.
Avec cette campagne médiatique très défavorable, Aimé Jacquet aurait-il pu perdre son influence auprès de ses joueurs ?
Je me suis posé la même question… Mais ce ne fut pas le cas.
La victoire de l’équipe de France face au Paraguay, le véritable tournant ?
Aimé Jacquet explique qu’il a senti un retournement de l’opinion publique à l’issue de cette rencontre. Mais, s’agissant du parcours des Bleus, le match le plus important fut probablement le premier contre l’Afrique du Sud.
Au niveau du jeu, la défense était-elle l’atout principal d’Aimé Jacquet en 98 ?
Disons qu’elle avait peut-être plus de certitude que l’attaque. Mais n’oublions pas que cette attaque était composée de joueurs comme Zidane, Djorkaeff, Henri, etc.
Finalement, Aimé Jacquet est l’autre héros de ce mondial non ?
Il est l’un des héros de ce Mondial. Il a fait ce qu’il avait annoncé tout en respectant des valeurs qui lui sont chères : respect et honnêteté.
Pour finir, quelles sont vos ambitions avec cet ouvrage ? Avez-vous d’autres projets ?
J’aimerais bien qu’il rencontre son public. Vous savez lorsqu’on décide de publier un livre, c’est pour qu’il soit lu. Sinon on le laisse dans un tiroir. Ceci étant dit, je considère l’aventure comme un succès. Quand vous recevez un matin un message d’Aimé Jacquet dans lequel il vous félicite pour le travail réalisé, vous pouvez vous montrer très satisfait (rire) !
Pour rappel, le livre est disponible depuis le 12 juin sur Amazon.