Fondé en 2015, Nordisk est un collectif de passionnés du football scandinave qui délivre les dernières informations des championnats nordiques. Authentique et passionné, ce média propose à ses internautes un voyage envoûtant en Europe du Nord à la découverte d’un football atypique et peu médiatisé en France. Rencontre avec Nicolas, membre de Nordisk Football.
Tu peux nous décrire un peu plus votre collectif, vos objectifs et vos envies avec ce média fondé en 2015 ?
C’est vrai qu’on approche déjà des 4 années d’existence, ça passe vite ! Nordisk Football est une équipe d’environ 10 passionnés qui, sur leur temps libre et par pure passion, rédigent des articles sur le site web et animent les différents comptes sur Twitter pour relayer l’actualité.
Notre but est donc de faire découvrir aux français le football nordique si peu médiatisé à travers les différents pays : Suède, Islande, Danemark, Finlande, Îles Féroé et Groenland désormais. Nous sommes passés de 2 à une dizaine de rédacteurs, dont certains se trouvent dans les pays nordiques, et qui participent activement à Nordisk. Nous souhaitons montrer qu’il y a de nombreuses belles choses inspirantes avec le football nordique et qu’il a toujours un rôle à jouer dans le football européen d’aujourd’hui. Notre envie est de créer une communauté fidèle qui nous suit quasiment quotidiennement pour en savoir plus sur le football nordique.
La question est relativement simple, mais quelles sont les principales différences entre le football d’Europe de l’Ouest et du Nord ?
La principale différence est qu’on est bien loin du football business dans les championnats nordiques. Un football authentique qui livre de belles histoires et qui oblige les clubs à être malins au niveau du recrutement et de la gestion. Également, le football nordique est connu pour être assez physique et défensif… Enfin c’est surtout le cas pour les sélections car il y a beaucoup d’équipes techniques et offensives dans les championnats. Je peux citer le club d’Östersund qui avait proposé du très beau jeu lors de sa belle campagne européenne l’an passé et qui a été éliminé par Arsenal en 16e de finale d’Europa League.
Comment juges-tu la popularité du football scandinave ?
Dans les pays scandinaves, le football est très populaire. C’est, sans doute, le sport le plus populaire malgré la grande place réservée au hockey, aux sports d’hiver ou encore au handball. Il y a une grande culture du supporter dans ces pays avec des grands groupes de supporters qui élaborent de magnifiques tifos et des spectacles pyrotechniques en tribunes. Mais en dehors des gros clubs d’Europe du Nord, les affluences peuvent être très faibles. Les scandinaves suivent le football européen et plus particulièrement le football anglais qui fait rêver de nombreux joueurs. Si vous partez dans les pays nordiques, vous n’aurez pas de problème à parler football avec eux, notamment les femmes qui adorent ce sport.
À l’étranger, le football scandinave est difficile à suivre donc moins populaire. Le seul moyen pour suivre les matchs reste les sites de paris sportifs qui proposent un streaming ou… le streaming illégal.
J’ai l’impression qu’il y a un véritable trou médiatique en France sur l’actualité du football nordique. Comment l’expliquer ?
Le football nordique ne fait malheureusement pas suffisamment « cliquer »… Je pense que c’est pour cela que de plus en plus de médias amateurs apparaissent afin de proposer une plus grande diversité dans les informations du football.
Vous vous êtes imposés comme un média de référence du football scandinave. Des journalistes/des médias puissants vous demandent même régulièrement des renseignements. Un sentiment de fierté ?
Évidemment, c’est une grande fierté. Cela fait vraiment plaisir d’avoir cette relation avec les médias professionnels et d’avoir gagné une certaine crédibilité. Cela prouve que notre travail a fini par être reconnu et peut servir. On remercie aussi, particulièrement, Yoann Riou qui travaille à L’Equipe et qui a cité Nordisk Football de nombreuses fois à l’antenne ou encore Candice Rolland, la seule femme à commenter du football masculin en France et elle très professionnelle. On espère que cela pourra durer avec la curiosité d’amateurs du ballon rond qui se sont mis à aimer et à s’intéresser au football nordique. Au final, on a créé Nordisk Football pour ça.
Le parcours de l’Islande à l’Euro 2016 a-t-il crédibilisé et popularisé le foot nordique ?
C’est vrai qu’au niveau des sélections nordiques, cela n’était plus tellement ça depuis 1998. On n’avait pas eu un parcours référence depuis les grandes périodes de la Suède dans les décennies 50 et 90, du Danemark lors des années 80’ et 90’ et de la Norvège en 90’.
Je dirais donc que le parcours de l’Islande a re-popularisé ce football. De nombreux français ont été impressionnés et ont soudainement apprécié cette sélection, ce pays. Et je dirais même que la présence de 3 nations nordiques (Danemark, Islande et la Suède) à la Coupe du Monde 2018 a amplifié ce phénomène et cette popularité. On sait qu’un exploit à la Danemark 92 sera impossible à revivre, mais la présence d’une des nations nordiques dans ces grandes compétitions est déjà exceptionnelle aujourd’hui. On s’aperçoit aussi que les sélections d’Europe du Nord sont capables de rivaliser avec des grandes nations grâce à leur football séduisant et leur combativité.
Les sujets sont majoritairement traités sous un angle historique et avec un côté vintage. Un choix éditorial réfléchi ou spontané ?
Un peu des deux justement. On aime en parler car on aime se replonger dans l’Histoire. Ça nous rappelle des bons souvenirs et permet de voir que le football nordique a aussi eu des belles années et des grands joueurs. Ça intéresse aussi beaucoup nos lecteurs qu’ils aient connu ces époques ou non. Par exemple, l’exploit du Danemark 92 est si peu mis en avant qu’il nous paraît essentiel d’axer là-dessus. Même si c’est un plaisir de parler du football nordique actuel, la nostalgie prend souvent le dessus et cela nous semble important pour comprendre le football nordique d’aujourd’hui.
Le prisme géopolitique est également souvent utilisé comme si la politique et le football étaient indissociables dans la culture du football nordique… Les prismes culturels vous guident également dans la rédaction de vos articles, non ?
Oui. Par exemple, lorsqu’on a dû parler du Groenland et des Îles Féroé avec l’influence danoise et anglaise pour les Îles Féroé. C’est essentiel pour comprendre comment le football est arrivé sur ces territoires.
Tu peux nous citer un joueur/club qui illustre parfaitement le football nordique ?
Pour le joueur, Henrik Larsson. Je choisis ce joueur pour sa fabuleuse fidélité au Celtic, ses dreadlocks qui ont marqué une génération et son retour en Suède à la fin de sa carrière à Helsingborg, un club qu’il a ensuite entraîné sans grande réussite malheureusement. C’est toujours un personnage important en Suède.
Pour le club, l’IFK Göteborg. Ce club suédois a remporté deux Coupes de l’UEFA en 1982 et 1987 (qui illustre bien le fait que tout était possible autrefois). Aujourd’hui, c’est un peu plus difficile pour le club qui connaît quelques difficultés mais qui est toujours dans l’élite suédoise.
Les conditions climatiques ne semblent pas optimales pour le football, notamment pour les supporters. Est-ce une limite pour susciter l’engouement et pour l’affluence dans les stades ?
L’hiver est très long avec des trêves qui vont de 2 mois pour le Danemark à 5-6 mois pour les autres pays. Donc oui, c’est moins attractif mais ça décuple encore plus l’envie et l’excitation lorsque les championnats reprennent. Les conditions climatiques donnent aussi souvent des scènes surréalistes qui font tout le charme du football nordique.
Ces personnes grimpent le Mont Blanc ?
Non ils sont juste venu voir un match de football en Suède ! ❄️
Crédit vidéo : CMore pic.twitter.com/ndQs7Abuvf— Nordisk Football (@NordiskFootball) April 2, 2018
Avec les paysages splendides, l’intérêt n’est pas seulement footballistique quand on assiste à des matchs dans les pays scandinaves. C’est le gros point fort au niveau de l’attractivité ?
En effet, c’est un vrai atout. Il y a des stades vraiment magnifiques et cela renforce l’effet naturel de ce football. Quand tu peux voir la mer ou des fjords juste à côté du terrain, cela renforce l’envie de se déplacer au stade pour contempler le jeu et le paysage. Je pense particulièrement au Groenland, aux Îles Féroé et en Islande. Si jamais vous faites un voyage dans ces pays-là, ça fait aussi partie du patrimoine.
Selon vous, le plus beau stade ?
Pour les plus beaux stades, c’est difficile de choisir un seul mais on a notre préférence pour chaque pays…
En Islande, le Hásteinsvöllur est un stade situé sur les îles Vestmann juste à côté d’un volcan. Utilisé par le club de l’ÍBV qui évolue dans l’élite, il a une capacité de 3 540 places. En Norvège, l’Henningsvaer Stadion est utilisé par le club amateur de la ville comptant 500 habitants sur l’archipel de Lofoten. Aux Îles Féroé, Í Fløtugerði est le stade de l’ÍF Fuglafjørður évoluant en seconde division et possède une capacité d’environ 350 places. Son charme réside à travers ses collines, ses montagnes et ses gradins montés sur ces dernières.
Enfin, le nouveau terrain synthétique situé à Tasiilaq, un petit village près de la capitale Nuuk, au Groenland. Le club local ATA 1960 et l’équipe nationale évolueront dans ce stade.
Et, celui avec la plus belle ambiance ?
L’AIK en Suède a un superbe groupe de supporters qui donne toujours des derbys très chauds avec Hammarby et Djurgarden. Mais, Brøndby IF possède des supporters incroyables. Il y a vraiment une grande ferveur et donc, pour nous, ce sont les meilleurs supporters d’Europe du Nord.
On a l'habitude avec les supporters de #Brøndby IF, mais c'est toujours aussi captivant. Lors du déplacement à #Herning jeudi soir.
(vidéo via Sydsiden) pic.twitter.com/RK5NOLEf7I— Nordisk Football (@NordiskFootball) March 3, 2018
La Friends Arena, le plus grand stade des pays nordiques, est tout simplement magnifique et possède un toit rétractable qui permet de protéger la pelouse. Tu peux nous parler de cette enceinte ?
La Friends Arena est toute récente (2012) et abrite le club de l’AIK, le dernier champion de Suède, ainsi que la sélection. Son nom vient d’une association qui lutte contre le harcèlement scolaire. Une belle idée et une magnifique initiative. Il permet aussi de faire des concerts où de grands artistes sont passés. On a aussi vu la finale de l’Europa League en 2017 dans cette enceinte. Il ressemble beaucoup au stade Pierre Mauroy à Lille, c’est vraiment une belle réussite.
Et puis, il y a eu le match inaugural entre la Suède et l’Angleterre, en amical, avec un Zlatan impérial. Une rencontre qui restera dans l’histoire ! Le stade était d’ailleurs plein avec plus de 50 000 personnes. Pour le club qui évolue dans cette enceinte, l’AIK, il y a une affluence incroyable pour un pays comme la Suède montrant ainsi la ferveur qu’il y a pour le football dans ce pays.
Zlatan Ibrahimovic est-il le plus grand joueur nordique de l’Histoire du football ? (Avant de poser cette question, j’ai longtemps hésité avec Michael Laudrup…)
Je vais m’attirer les foudres de certaines personnes, mais je partage également cet avis. Peut-être aussi parce que c’est ma génération… Pour moi, Zlatan a prouvé dans tous les pays où il est passé et a marqué de son empreinte chacun de ses passages (enfin un peu moins en Espagne, au FC Barcelone, mais ce n’était pas uniquement de sa faute je pense) contrairement à Michael Laudrup qui avait eu des difficultés en Italie.
Il a re-popularisé le football nordique. Je pense qu’il va laisser un grand vide après sa retraite. Ses buts magiques avec des gestes improbables, ses débuts fracassants avec tous ses clubs, ses déclarations… Un joueur avec une histoire difficile qui prouve que le football peut être un formidable vecteur d’intégration sociale. Fils d’un père immigré bosniaque alcoolique, d’une mère femme de ménage d’origine croate et né dans une banlieue de Malmö, il a su s’imposer et devenir une personnalité importante dans ce monde.
Alors oui, Zlatan n’a pas remporté la Ligue des Champions, n’a pas fait de grands parcours avec sa sélection (à cause de son égoïsme d’attaquant, peut-être), mais il aura marqué de son empreinte un pays, une génération et tous les supporters des clubs dans lesquels il est passé et c’est peut être ça le plus important.
Les championnats scandinaves s’appuient énormément sur la jeunesse, non ?
En effet, même si la plupart des équipes dans les pays nordiques ont une moyenne d’âge assez élevée. L’aspect financier et l’inflation des prix sur le marché des transferts obligent les clubs nordiques à miser sur les jeunes et les centres de formation. Pour rappel, beaucoup de clubs en Islande et en Finlande ont fait faillite. C’est donc une nécessité pour les clubs de miser sur la jeunesse pour survivre. Les centres de formation sont très bien structurés et performants notamment au Danemark avec le FC Nordsdjaelland qui a une équipe avec une moyenne d’âge de 21 ans et qui est composé à 75% de joueurs de son centre de formation.
Historiquement, et surtout ces dernières années, il y a une véritable connexion entre les championnats nordiques et ceux des Pays-Bas. Comment l’expliquer ?
La proximité entre les pays nordiques et les Pays-Bas joue beaucoup mais également, le fait que la différence culturelle ne soit pas aussi forte qu’en France par exemple. Dans notre pays, les nordiques peuvent avoir des difficultés pour s’adapter. Il y a une véritable relation de confiance entre les Pays-Bas et les pays d’Europe du Nord qui s’est établie avec certains joueurs comme Litmanen, Zlatan, Henrik Larsson… Les joueurs scandinaves savent qu’ils auront du temps de jeu et que le niveau est plus haut que dans le championnat de leur pays natal. C’est un parfait tremplin pour ensuite rejoindre un club du top 5 européen.
De nombreux joueurs nordiques ayant évolué au sein de grandes écuries européennes terminent très souvent leur carrière dans leur pays d’origine. Pourquoi ?
C’est vrai que c’est une tendance, notamment en Suède. C’est très culturel, ils sont très attachés à leur pays et à leur famille. C’est aussi une forme de remerciement des joueurs pour le club formateur et le pays natal.
Le dernier exemple en date : Andreas Granqvist. Le joueur de 33 ans et capitaine de la sélection suédoise venait d’avoir son deuxième enfant et a décidé de revenir dans son pays natal, au sein de son club formateur en seconde division à Helsingborg après sa très bonne Coupe du Monde. Il vient d’ailleurs de remonter dans l’élite et sera une des attractions de la nouvelle saison du championnat suédois.
Pour en revenir à l’actualité, Martin Ødegaard grandit en prêt au Vitesse Arnhem et réalise de belles prestations. Selon toi, peut-il s’imposer dans un grand club européen ?
Martin Ødegaard est vraiment exceptionnel cette saison au Vitesse Arnhem. Il a une telle facilité sur le terrain avec le ballon et il est enfin décisif. Je pense qu’à la fin de la saison, il sera enfin prêt. Ces prêts lui auront fait le plus grand bien. Le fait que le championnat néerlandais soit moins médiatisé est bénéfique aussi puisqu’il a avoué détester les médias. On espère qu’il arrivera à décoller cette image de « flop ». C’est à lui de faire les bons choix et avancer progressivement pour la suite de sa carrière car, pour nous, il a tout pour devenir un très grand joueur de football et marquer l’histoire de son pays.
Le succès de l’actuel entraîneur norvégien Ole Gunnar Solskjær avec Manchester United te surprend ? Tu peux nous décrire son influence dans le football nordique ?
Oui, je suis quand même surpris. On croyait en lui mais mais pas autant… Il est invaincu après 11 matchs, a complètement relancé Manchester United en Premier League et inquiète désormais le PSG pour l’opposition en Ligue des Champions. Il faisait un superbe travail à Molde en Norvège mais on pensait que son échec pour sa première expérience à l’étranger, à Cardiff, l’aurait négativement marqué. Finalement, c’est le contraire. On voit aussi qu’un entraîneur avec l’ADN du club et des bons joueurs, ça fonctionne !
Tu as un jeune talent à nous conseiller de suivre…
Il y a vraiment beaucoup de jeunes à suivre dans les pays nordiques car les clubs donnent rapidement la chance aux jeunes des centres de formation. Certains jeunes joueurs partent souvent en Europe de l’Ouest pour finir leur formation dans les grands clubs, d’autres reviennent comme Viktor Fischer au FC Copenhague après ne pas avoir réussi à s’imposer. Pour le jeune talent à suivre actuellement dans nos pays, je pense directement à Andreas Skov Olsen qui a tout juste 19 ans et évolue à Nordsjaelland. Il a déjà passé la barre des 10 buts en championnat. Puis, Robert Skov qui est plus confirmé, 22 ans, à Copenhague qui est la grande révélation. C’est le meilleur buteur au Danemark. Pour finir, la promesse de l’avenir est le buteur suédois de 17 ans Benjamin Nygren à l’IFK Göteborg.
Aujourd’hui, quels sont vos objectifs avec ce média ? Vous avez des projets qui arrivent ?
Notre objectif est de pouvoir continuer le plus longtemps possible à traiter de l’actualité du football nordique et de maintenir le site web malgré le fait que les membres de ce collectif soient très occupés par les études ou le travail. On fait tout cela par passion donc c’est difficile de trouver du temps pour établir de vrais projets plus ambitieux mais on va prochainement rajouter des nouvelles catégories sur le site web. Pour l’exclusivité, cela sera une partie dédiée au rétro et aux joueurs français qui évoluent dans nos pays. Nous souhaitons donc améliorer le site avec encore plus de contenus.
Si tu devais faire une passe décisive…
Ah… C’est difficile de citer une seule personne mais je souhaite déjà te remercier de nous avoir donné la parole à travers ton média Tellement Foot ainsi que pour toutes les autres interviews intéressantes réalisées afin de mieux découvrir ceux qui parlent de football sur Internet. Pour ça, merci.
Puis, je vais citer le compte @EspoirsduFoot qui a beaucoup fait pour nous et le collectif @FootballUtdFR regroupant tous les médias amateurs football dont on fait partie.