L’interview de Raphaël Nouet, auteur du livre « Les 400 meilleurs joueurs de l’histoire »

Sorti en décembre 2018, le livre « Les 400 meilleurs joueurs de l’histoire » est une sélection indispensable pour tous les passionnés de football. De Pelé à Diego Maradona en passant par Kylian Mbappé, l’ouvrage publié chez Talent Editions réunit les plus grandes légendes du ballon rond dans une seule œuvre. Rencontre avec son auteur, Raphaël Nouet.

Peux-tu te présenter et nous raconter brièvement ton parcours ?

Je m’appelle Raphaël Nouet, j’ai 39 ans et je vis dans le Val-de-Marne. Je travaille pour But!, société qui m’a mis le pied à l’étrier, depuis février 2002, et je suis parfois pigiste pour des magazines ou des maisons d’édition comme Talent Sport. J’ai débuté comme rédacteur, puis je suis devenu secrétaire de rédaction (relecture des papiers des rédacteurs…). Depuis quatre ans, je fais les deux et je redécouvre le plaisir d’écrire !

Tu as réuni les 400 meilleurs joueurs de football de l’histoire pour la première fois dans un seul ouvrage. Quelles étaient tes envies avec ce livre et pour quelles raisons as-tu souhaité établir une sélection aussi importante ?

Ce projet n’est pas le mien à la base. C’est celui d’Emmanuel Laureau, patron de Talent Sport, et de Franck Verrecchia, qui fait un peu tout et très bien. Ce sont ces deux personnes qui ont remarqué que ce genre d’ouvrage était relativement rare dans le milieu du football. Lors des réunions de travail, il nous a semblé que le plus important était d’avoir un bouquin bien conçu, copieux et à un prix abordable. Mille joueurs ? Ça aurait été trop. Cent ? Pas assez. Cinq cents joueurs ? Cela faisait trop de pages… Et voilà comment nous sommes arrivés à la conclusion que quatre cents, c’était le meilleur total par rapport à nos attentes.

Ce travail a dû être très chronophage… Comment s’est déroulée l’écriture de ce livre ?

Oui, très chronophage… Parce que j’avais mon travail quotidien et qu’en plus, le temps m’était compté. J’avais trois mois pour tout rédiger. Au final, je n’ai écrit « que » trois cents fiches, car un autre projet s’est présenté parallèlement. Le déroulement a été le suivant : j’ai fait une première liste de quatre cents joueurs – ce qui était d’ailleurs très compliqué. Puis, je l’ai soumise à Emmanuel qui a demandé des conseils à Julien Müller, dont la connaissance du foot est encyclopédique. Quand la liste a été arrêtée, j’ai commencé l’écriture. J’y consacrais deux heures par jour, du lundi au dimanche. Parfois, j’arrivais à faire quatre fiches durant ce laps de temps, parfois deux.

Comment as-tu réussi à maintenir de la passion dans un travail qui peut s’avérer fastidieux ?

Déjà, je suis un dingue de foot donc ça aide. Ensuite, je suis passionné par l’histoire du ballon rond et ce livre, ce n’est que ça. Par exemple, Didi, véritable légende brésilienne, je savais qui c’était, mais j’ai découvert à quel point ce joueur était fort en me documentant. Plus globalement, j’ai découvert à quel point le Brésil des années 50-60 était au-dessus de tout le monde. Parfois, je reconnais qu’il y avait un peu de lassitude, mais écrire sur des champions, car ce sont tous des champions, c’est quand même très plaisant.

C’est un sacré défi de sélectionner les 400 meilleurs joueurs de l’histoire dans une même œuvre… Pour faire cette liste, avais-tu des critères précis ? Si oui, lesquels ?

Oui, il y avait des critères. Il fallait que les joueurs aient marqué leur époque ou leur poste et qu’ils aient joué en Europe ou en Amérique du Sud. J’ai commencé par sélectionner tous les vainqueurs du Ballon d’Or, puis tous les joueurs emblématiques des vainqueurs de la Ligue des champions, de la Coupe du monde, de l’Euro… Enfin, j’ai cherché les innovateurs. Mais même en faisant cela, il y en a qui m’ont échappé. Par exemple, j’ai complètement oublié Pep Guardiola. Quand j’ai repensé à la Dream Team qui a gagné la C1 92, j’ai ajouté Hristo Stoichkov et Ronald Koeman à la liste. Pep était déjà là, mais je l’ai occulté. Heureusement que Julien est repassé derrière moi !

Ce livre est-il empreint d’affect ? Comment es-tu parvenu à conserver une certaine objectivité pour effectuer une sélection qui peut rapidement devenir complexe ?

Eh bien, tout d’abord, ce n’est pas à moi de juger. Je suis un fanatique de l’OM donc à vous de me dire s’il y a trop de Marseillais ou si les Parisiens sont décrits avec méchanceté ! Comme je te l’ai dit, j’aime me pencher sur l’histoire du football et la conclusion à laquelle je suis arrivé, c’est que la France n’est pas un pays de foot. Nos résultats de clubs dans les compétitions européennes sont nuls. La Suède a gagné autant de Coupes d’Europe que nous, mais personne ne le dit ! On continue à penser que l’on fait partie du Big 5, c’est hallucinant ! Partant de là, même si j’adore la Ligue 1, je sais ce qu’elle vaut. Je pense donc être assez objectif. Sans compter que, vraiment, j’aime tous les championnats, même ceux qui sont considérés comme faibles à l’instar de l’Écosse ou du Portugal.

Comment as-tu transformé tout ce travail en une œuvre intéressante et accessible ? À quels problèmes t’es-tu heurté dans la réalisation de ce livre ?

Le problème majeur auquel je me suis heurté, c’est celui de la place. Les joueurs ayant connu la Seconde Guerre mondiale ou les Trente Glorieuses ont eu une vie extraordinaire. L’ancien gardien de Manchester City Bert Trautmann aurait mérité quatre cents pages uniquement pour lui et son parcours : des jeunesses nazies à sa fracture des cervicales à Wembley. Et résumer la carrière de joueurs comme Pelé, Maradona, Platini ou Cruyff à deux pages est très réducteur, donc ce fut un exercice compliqué.

Tu as travaillé sur toutes les périodes du football… Laquelle a été la plus surprenante ?

Ce sont les années 50. J’ai l’impression, comme 99% des fans de football, que ce sport est devenu plus technique avec le temps… Mais non, dans les années 50, les Brésiliens mettaient des petits ponts et des coups du sombrero à tout le monde. J’ai aussi vu la finale de C1 entre le Real Madrid et l’Eintracht en 1960 et c’était d’une justesse technique ! Ça allait beaucoup plus lentement qu’aujourd’hui, évidemment, mais c’était très fort !

Puis la période la plus surprenante négativement, je dirais les années 80 avec la violence entre tribunes et sur le terrain, le dopage dans le bloc communiste, l’argent qui arrivait en masse… Il n’y a qu’à voir le palmarès de la C1 de 86 à 88 : Steaua, Porto et Eindhoven. Ça ne fait pas rêver… Mais comme c’est l’époque où je commençais à m’intéresser au football, j’en garde quand même un bon souvenir !

L’ouverture d’esprit et la curiosité étaient-elles primordiales pour écrire ce livre ?

Clairement, parce que si c’était pour refaire les mêmes fiches que sur Wikipédia, ça n’en valait pas la peine. Il fallait aller chercher des anecdotes, replacer le joueur dans le contexte de l’époque, regarder des vidéos pour bien mesurer son talent… Et puis, il faut avoir l’ouverture d’esprit pour se dire que les équipes dominantes ont toujours du mérite. En France, on aime bien dénigrer. Parfois, on entend : « L’Espagne des années 2008-12, c’était chiant avec ce temps de possession de balle ». Ah bon ?! Mais si c’est si simple, pourquoi aucune équipe n’a reproduit ce jeu aussi bien ?! On peut également souvent lire : « Pelé n’a pas eu de mérite à marquer 1000 buts, car il est resté au Brésil. » Et ? Pourquoi personne n’a réalisé cet exploit avant ou après ?!

Je trouve que les gens ne savent plus s’émerveiller et qu’ils sont dans la critique permanente. J’ai essayé d’être, à l’inverse, dans l’émerveillement permanent pour traiter chaque joueur de ce livre pour ce qu’il est ou était, c’est-à-dire un phénomène.

Parmi les 400 joueurs présents dans ton ouvrage…

Quel joueur a eu le grand impact culturel ?

Je ne vais pas être original, je vais dire Pelé. Mais on est d’accord qu’on ne parle pas de talent pur, hein ! Pelé a été un phénomène mondial, la première star globale, alors qu’il vivait à l’autre bout du monde, dans une dictature et un pays sous-développé. C’est énorme ! Aujourd’hui encore, on le considère comme le plus grand alors que personne ne l’a vu jouer en vrai ! Personnellement, j’ai regardé en intégralité la finale de la Coupe du monde 70 et j’ai trouvé ce joueur fascinant. Il attirait tous les regards, le ballon, les adversaires… Et puis quelle justesse dans le jeu (comme son décalage sur le quatrième but) et quelle puissance physique (sa détente sur l’ouverture du score) !

Quelle histoire a été la plus passionnante à raconter ?

Les histoires de Bert Trautmann et de Helmuth Duckadam. Le premier parce qu’il a connu la Seconde Guerre mondiale et a réussi à se faire aimer de l’Angleterre alors qu’il fut un nazi. Le second parce qu’il a réussi le match de sa vie, au meilleur des moments. En finale de la C1 en 1986, il a tout arrêté. C’était son jour, son moment de gloire et il a répondu présent. J’aurais donné n’importe quoi pour que Pascal Olmeta soit dans le même état le 29 mai 1991 ! En plus, il y a cette histoire qui veut que le régime roumain lui aurait fait casser les dix doigts après le titre de champion d’Europe, car il était couvert de gloire…

Quel joueur est le plus surestimé ?

Ah ! Je ne vais pas me faire que des amis, mais, sans hésiter, je réponds Éric Cantona. Je déteste ce joueur, le personnage qu’il a créé. Attention, il a du talent et je ne le nie pas, mais pas autant qu’on a voulu nous le faire croire. Si on prend du recul sur sa carrière, ça donne : une éclosion à Auxerre, des échecs à l’OM, Montpellier et Bordeaux. Puis, une arrivée à Leeds dans une équipe qui gagne, un départ à Manchester United (une chose d’ailleurs impardonnable, car les deux clubs se détestent) dans une équipe qui allait de toute façon gagner. De nombreuses personnes, et notamment Alex Ferguson, disent qu’il a montré la voie. Moi, je constate qu’avant son arrivée, le club mancunien a remporté la C2 91 et qu’après son départ, il a gagné la C1 99. Entre les deux, il n’y a eu aucun titre sur le plan européen. Enfin, son bilan avec les Bleus, ce sont des éliminations de toutes les compétitions sauf l’Euro 92 où il n’était clairement pas à son meilleur niveau.

Qui est le meilleur joueur de l’histoire, selon toi ?

Diego Armando Maradona. Balle au pied, c’était magique. Et quel charisme ! Pelé dominait physiquement tout le monde et il était aussi très technique, mais pas autant que Diego. Platini, Cruyff, Eusebio, Di Stefano, c’était un tout petit cran en dessous. Aujourd’hui, Lionel Messi est énorme, mais il n’a pas le charisme et le leadership de Diego. Cristiano Ronaldo est une machine et un athlète hors norme, mais Maradona, c’est la magie, le lyrisme, l’inventivité et la beauté… Tout simplement.

Si tu devais sélectionner ton joueur préféré ?

Kenny Dalglish ! Le plus drôle, c’est que je ne l’ai jamais vu jouer en direct. Juste des vidéos. Je me souviens avoir lu un commentaire sur lui qui disait : « Il est excellent nulle part, mais bon partout », et c’est exactement ce que j’aurais voulu être. En plus, il a brillé au Celtic et à Liverpool, deux clubs que j’adore. Un phénomène !

Aurais-tu aimé faire de la place à certains joueurs dans cette sélection ? Si oui, lesquels ?

Pour rire, j’aurais mis tous les joueurs de l’OM des années 90-93, car j’étais jeune et ils étaient mes dieux vivants. Plus sérieusement, il y en a dans le livre et je suis lucide, mais par exemple : Eric Di Méco, c’est une idole, mais il n’aurait pas eu sa place dans un grand club étranger à l’époque.

Malgré ses 20 ans, Kylian Mbappé trouve sa place dans les pages de ce livre. Comment l’expliquer ?

C’est une anecdote assez savoureuse : le livre devait sortir avant la Coupe du monde 2018. Lors des réunions préparatoires, Emmanuel voulait qu’il y ait des joueurs français actuels, mais, avec Franck, on lui expliquait qu’ils n’avaient pas (ou pas encore) le niveau pour figurer parmi les 400. Et puis, Franck a eu un petit souci de santé qui nous a obligés à repousser la sortie du livre à décembre. À ce moment-là, on s’est dit qu’on aurait l’air malin si Kylian Mbappé ou Antoine Griezmann recevait le Ballon d’Or. Ce sont donc des ajouts de dernière minute. De plus, autant je pense que Kylian Mbappé sera systématiquement présent dans les 400, même dans mille ans, autant je pense qu’Antoine Griezmann disparaîtra très vite. Ce dernier est très fort, mais je ne crois pas qu’il fasse partie des 400 meilleurs de l’histoire.

Quelle est ta perception du football ?

Je suis dans la mouvance de Bill Shankly : il n’y a rien de plus important. Le football, pour moi, ce n’est pas du sport. Ce n’est pas : on gagne, on est content et on perd, ce n’est pas grave. Quand l’OM perd – et ça arrive beaucoup en ce moment -, je suis énervé pendant des jours et des jours. Le football, c’est tout. C’est une activité physique quand tu es jeune, une leçon de vie quand tu es un peu plus grand, une passion, des moments de partage, des émotions indescriptibles… Hélas, les politiques et les dirigeants fédéraux en France ne comprennent pas cela. Ils voudraient que le football soit comme au tennis de table… Mais le football, c’est la passion à l’état pur. De l’amour infini, mais aussi de la haine obscure, car l’un ne va pas sans l’autre.

En plus, je trouve que, malgré la mondialisation, chaque pays conserve ses spécificités. C’est donc un reflet de la société, du pays dans lequel il se joue, un baromètre de son temps. Voilà, le foot, c’est la vie !

Quel serait le rôle d’un footballeur, aujourd’hui ?

Celui d’un footballeur, tout simplement. On veut toujours en faire des exemples, mais pourquoi ? Parce que tout le monde les regarde ? Les politiques, les acteurs sont aussi scrutés par tout le monde, mais ils font énormément de conneries et ils ne reçoivent pas autant de critiques que les footballeurs. Il faut laisser les joueurs tranquilles. Ils n’ont pas été « programmés » pour avoir des pensées philosophiques ou être des modèles de vertu. Ils vivent dans un autre monde, médiatiquement et financièrement, que le commun des mortels. Ils n’ont pas à se comporter comme une personne ordinaire. Un footballeur est un footballeur, rien de plus. Ses actes et ses déclarations en dehors du terrain ne devraient intéresser personne.

Quelles sont tes ambitions avec ce livre ? As-tu des projets qui arrivent ?

Je n’ai pas spécialement d’ambition pour ce livre ou pour ma carrière. Je suis très heureux d’être là où je suis. C’est assez inespéré quand on connaît ma vie avant d’entrer à But!. Je me satisfais de ma situation et je suis ouvert à toutes les propositions. Je ne cherche pas spécialement la lumière, la médiatisation, je ne tiens pas spécialement à travailler à la radio ou à la télévision. J’aime écrire. Ma seule ambition, cela serait de travailler un jour à France Football parce que je lis chaque mot de « la bible du football » depuis 27 ans et que je rachète des années pour avoir la collection complète. J’adore !

Si tu devais délivrer une passe décisive ?

Ce serait pour Franck Verrecchia ! Même tout seul devant le but en finale de Coupe du monde, je l’attends pour lui donner le ballon. On s’est connus à But! à mes débuts et notre relation a été assez compliquée. Ensuite, il est parti, on a tracé notre route pendant treize ans et nous n’avons été mis en contacts qu’en 2015 via un ancien collègue. Je lui dois toutes mes piges. Si j’ai repris goût à l’écriture, c’est grâce à lui. Il me fait confiance, me sollicite toujours, notamment avec ce livre. Un grand merci à lui !

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