Après des mois de tension, l’OM retrouve enfin un climat apaisé et affiche une forme étincelante en Ligue 1. Actuel dauphin du PSG, le club phocéen entraîné par André Villas-Boas semble transformé depuis quelques semaines. Simple sursaut ou véritable révolution ? Zempeknio, supporter de l’Olympique de Marseille et compte incontournable sur Twitter, nous donne son avis.
Avant d’évoquer la situation de l’OM, peux-tu te présenter et nous décrire ta passion pour l’OM ?
Je m’appelle Florent, j’ai 23 ans, je suis chargé de communication dans l’audiovisuel et, étant natif du sud de la France, je suis supporter de l’OM depuis mon enfance. J’ai cultivé cette passion pour l’Olympique de Marseille avec mes amis depuis la saison 2003-2004 avec l’épopée en C3. J’avais 8 ans et les buts de Didier Drogba et les envolées de Fabien Barthez ont définitivement scellé mon amour éperdu pour l’OM.
Arrivé cet été, André Villas-Boas a-t-il déjà réussi à construire une vraie équipe à l’OM et redonner une âme au club phocéen ?
Nous revenons de très loin et c’est encore fragile, mais André Villas-Boas construit un projet très solide actuellement, bien au-delà de nos espérances. Il n’y a pas que notre position en Ligue 1 qui est positive, les supporters voient enfin du jeu, de l’intelligence tactique, de l’envie, une communication maîtrisée et un groupe qui semble heureux.
J’ai un vrai coup de cœur pour ce coach qui, en bricolant, atteint un horizon inattendu. Il gagne du crédit auprès des supporters et une paix inestimable à Marseille. J’attends cependant de voir son comportement lors d’une vraie période de turbulences.
Le bilan de Rudi Garcia, premier entraîneur de l’ère « Champions Project », avec le club olympien est-il désastreux ?
Désastreux, c’est un mot fort. Il arrive au club quand l’OM est vraiment au plus bas (pour rappel, nous avons fini 13e de Ligue 1 la saison avant son arrivée) et il a donc profité de l’euphorie de la « renaissance » du club. Sous Rudi Garcia, l’OM n’a jamais fini en dessous de la 5e place et a fait une finale de Ligue Europa. C’était désastreux avant lui, mais son bilan est peu flatteur. Nous avons connu des désillusions importantes et des regrets. Jacques-Henri Eyraud a maintenu Rudi Garcia jusqu’au point de non-retour, alors que nous avions repris un peu d’espoir. L’OM a perdu beaucoup de temps et d’argent lors de cette période de lancement de ce projet ambitieux. Je pense que nous sommes nombreux à nous poser la question : Et si André Villas-Boas avait eu les mêmes moyens que Rudi Garcia ?
La venue d’André Villas-Boas a-t-elle été salvatrice pour Andoni Zubizarreta, qui essuie de nombreuses critiques depuis quelques mois ?
Oui clairement, parce que sa venue est un choix de Zubizarreta et qu’AVB a assez rapidement lié son avenir à celui de son directeur sportif. Je pense qu’AVB apporte une bouffée d’oxygène au club dans ce projet, notamment à Jacques-Henri Eyraud et aux joueurs. À Marseille, les résultats te font gagner du temps pour travailler plus sereinement et comme nous ne faisons rien dans la demi-mesure ici, les avis changent rapidement… On commence de nouveau à entendre que Zubi faisait déjà du bon travail sous Rudi Garcia, qu’il était gêné par ce dernier et j’ai même l’impression que la cote de popularité de Jacques-Henri Eyraud est en légère hausse.
La restructuration de l’OM sous Frank McCourt est ambitieuse avec le développement de la cellule de recrutement (le scouting, par exemple), la formation ou encore de la diversification des revenus… Peux-tu nous donner ton avis sur la situation du club ?
Je pense vraiment que l’OM travaille globalement bien sur tous les aspects cités. La restructuration prend du temps et n’a pas encore un impact sur le sportif, mais elle est très importante. Je pense que nous avions des années de retard et que ces changements profonds sont indispensables pour la croissance du club. C’est plus facile quand les résultats sont présents, surtout quand l’OM se positionne sur des objectifs à long terme. L’Olympique Lyonnais a réussi à se hisser parmi les gros clubs français en partant de zéro, car Jean-Michel Aulas n’a rien négligé. Il a développé la formation, la marque OL, le scouting national et international… Dans le début des années 2000, il avait une vision avant-gardiste. Aujourd’hui, il a des difficultés à franchir un nouveau cap. Le statut de l’OM ne suffit pas, il faut des idées et avoir une vision pour exister.
Une non-qualification en Ligue des champions serait-elle très inquiétante et préjudiciable ?
Oui, inévitablement. Déjà cette saison, nous avons dû vendre pour nous renforcer et nous n’avons pas comblé nos faiblesses. Pendant ce temps, d’autres projets ont eu des liquidités et de l’exposition pour poursuivre leur évolution. Heureusement pour nous, ces projets ont également fait des erreurs. Aujourd’hui, il n’y a définitivement plus de temps à perdre pour accrocher le bon wagon et atteindre la qualification en Ligue des champions. Elle est vitale.
La communication de Jacques-Henri Eyraud lui fait-elle perdre sa crédibilité ?
Sa communication n’arrange pas son cas. Il a fait énormément d’erreurs et il a énormément de difficultés à assumer ses responsabilités. Il a également une tendance tenace à s’en prendre aux supporters qu’il semble considérer comme des consommateurs ignares. On retient sa communication hasardeuse, mais le plus important, ce sont les actes… Et il y a de nombreuses choses à dire sur ses actions au club…
Une question se pose à l’approche du mercato hivernal : l’OM est-il toujours un club attirant ?
Je pense que oui, l’OM c’est l’OM ! Il suffit de voir comment un joueur intéressant comme Valentin Rongier a absolument souhaité venir chez nous. Nous avons une histoire, un magnifique stade avec les meilleurs supporters de France, les salaires sont assez élevés, un bon entraîneur et une équipe compétitive qui vise une qualification en Ligue des champions. Évidemment, ça serait plus simple si le club jouait une compétition européenne, mais nous avons de bons arguments.
Grand artisan de la très bonne première partie de saison de l’OM, Valentin Rongier est-il déjà un élément indispensable ?
Pas encore indispensable, mais il est très bon. Il est sous le feu des projecteurs actuellement, notamment parce que les supporters étaient remplis d’idées préconçues sur lui en l’imaginant comme nos milieux actuels. Aujourd’hui, les supporters apprennent à mieux le connaître et je pense qu’il peut faire encore mieux. Nous n’avons pas tout vu de lui. Il est toujours dans une période d’adaptation au sein d’une équipe qui se cherche encore et se cherchera jusqu’au retour de Florian Thauvin, mais il monte en puissance. Quand il sera en mesure de prendre plus de responsabilités, je suis certain qu’il nous étonnera encore plus.
Personnellement, j’adore ce joueur. C’est le couteau suisse ultime. À Nantes, il a performé en pointe basse mi-regista et mi-sentinelle. Il récupérait beaucoup de ballons et orientait parfaitement le jeu en tant que premier relanceur. Il a ensuite évolué dans un double-pivot et a adapté son rôle en fonction de son partenaire, parfois leader technique et parfois récupérateur-bas. Il évoluait plutôt 10 sous Sérgio Conceição, il déclenchait le premier pressing et était dépositaire du jeu nantais avec une forte responsabilité dans la conclusion des actions.
Cette polyvalence donne un joueur hyper complet. Il est adroit techniquement, a de grosses capacités physiques et ne possède pas une grosse lacune. C’est le rêve pour tous les entraîneurs, car il peut jouer quasiment avec tous les profils au milieu de terrain. Désormais, il doit juste prendre plus responsabilités avec le ballon, il fixe encore trop peu et presse plus qu’il n’anticipe.
Boubacar Kamara a-t-il un vrai avenir au poste de numéro 6 ?
Pour moi, oui ! J’attendais ce replacement depuis longtemps. Malheureusement, je pense que le joueur ne compte vraiment pas s’y installer et je trouve cela dommage parce que ça me semble être plus qu’un choix par défaut. Anticipation, sens du jeu, tonicité, technique… Ses qualités sont adaptées au poste de 6 et il souffre moins de son manque de vitesse, de vice et d’agressivité qu’en défense centrale. De plus, les erreurs commises sont bien souvent moins préjudiciables et c’est une chose importante pour un joueur si jeune. Peu importe son poste, avec cette polyvalence, il développe des aspects de son jeu et c’est bénéfique. Il va devenir un grand joueur et pourra réussir aux 2 postes.
Au cœur d’un imbroglio autour de son contrat professionnel, Isaac Lihadji doit-il être absolument conservé par l’OM ?
C’est important parce que l’OM mise de plus en plus sur sa formation et que certains jeunes du centre commencent à prendre de l’importance dans notre équipe. Le président a aussi déclaré vouloir un petit changement de cap stratégique en se tournant vers des jeunes avec de fortes valeurs marchandes, donc Isaac Lihadji coche de nombreuses cases. Également, il peut apporter un réel plus sportivement. S’il ne signe pas chez nous, ça serait un échec. J’espère que le club fera les efforts nécessaires… Après, il ne faut pas tout accepter, car beaucoup de jeunes talentueux poussent derrière Lihadji et pourraient s’en inspirer.
Nemanja Radonjic, souvent critiqué depuis son arrivée en provenance de l’Étoile Rouge de Belgrade, est-il enfin lancé ?
Je ne sais pas s’il est lancé. Pour prendre sa défense, il n’a pas toujours été aidé jusqu’à maintenant avec le prix de son transfert, la gestion de Garcia ou encore l’impatience des supporters. Évidemment, quelques buts n’effaceront pas ses mauvaises prestations jusqu’à maintenant. C’est à lui de saisir sa chance et je suis content qu’il sorte un peu la tête de l’eau. J’espère qu’il profitera de cette confiance pour confirmer. Il ne manque pas de qualités, mais les lacunes dans son jeu sont importantes. Il faut une réelle prise de conscience de sa part.
Jusqu’où peut aller Morgan Sanson ?
Il peut devenir un joueur majeur de l’équipe, parce qu’il profite enfin du système de jeu mis en place par son coach. Lors de son arrivée, nous avons vu un bon Morgan Sanson dans un 4-3-3, mais on a perdu le joueur avec la mutation dans un 4-2-3-1. Il possède avant tout des qualités athlétiques, a besoin d’espaces pour s’exprimer et ce joueur devient important en tant que relayeur « box-to-box » dans une équipe qui manque cruellement de joueurs capables de se projeter.
Comment juges-tu la carrière de Dimitri Payet ?
Des hauts et des bas, mais elle n’est pas terminée ! J’aime ce genre de joueur imparfait, qui tutoie des sphères que la majorité n’arrive pas à tutoyer. Malheureusement pour lui, on lui pardonne peu et c’est un joueur qui a besoin de ses partenaires pour exprimer le maximum de ses capacités. Je pense qu’à la fin, on pourra se dire qu’il a eu une belle carrière.
Steve Mandanda est-il le meilleur gardien de l’histoire de l’OM ?
Je n’ai pas la prétention de pouvoir définir le meilleur gardien de l’histoire de l’OM, mais il laissera une trace indélébile. Il y a eu de très grands gardiens chez nous, mais c’est certainement le plus emblématique dans le cœur des supporters. Sur le niveau pur, je pense que c’est discutable, mais aucun gardien/joueur n’a eu une telle importance et longévité dans le club.
Quel est ton meilleur souvenir avec l’OM ?
Il y en a de nombreux. Je vais mettre en avant un souvenir récent : la demi-finale contre Salzbourg pour l’atmosphère, le match et le fait qu’on décroche un billet pour une finale européenne. Sur le plan personnel, j’en garde un souvenir très fort, parce que cette année-là je subis une lourde opération qui me rend quasiment immobile pendant quelques mois et lors de ma période de rémission, j’ai mis en place un véritable compte à rebours pour retourner au stade et participer à cette épopée européenne. J’ai loupé Leipzig et je ne devais pas être présent pour Salzbourg, mais je n’ai pas résisté. J’étais sous codéine et à moitié estropié, mais quel plaisir d’être au Vélodrome ce soir-là.
Que représente le passé de l’OM ?
Le passé de l’OM ? C’est une « papinade », le coup de tête de Basile Boli, un cisaillage d’Éric Di Meco, un caviar de Dimitri Payet, un coup de gueule de Bernard Tapie, une parade de Steve Mandanda, le tifo d’une tribune, une feinte puis un centre de Gunnar Andersson, une fantaisie de Chris Waddle, un virage qui déploie toute sa ferveur, une reprise de volée de Josip Skoblar ou encore Didier Deschamps qui soulève un titre…
Le passé est primordial, c’est son âme et c’est grâce à ça que l’OM construit ce qu’il est aujourd’hui. C’est la transmission qui maintient ce club en vie. On parle quand même d’un club qui a été sur le toit de l’Europe, qui a été façonné par le plus grand président de l’histoire du football français et des joueurs extraordinaires ont porté ce maillot. Ce passé a amené une exigence que les supporters maintiennent aujourd’hui, car ce sont les derniers témoins d’un passé glorieux. Sans ce passé, je ne sais pas où le club serait aujourd’hui.
Le jour ou Bernard Tapie rentre dans le game tu comprend vite pourquoi il devient le plus grand président Français de l’histoire pic.twitter.com/9vBxR0OUzw
— ZEMPÉ 🐟 (@Zempeknio) May 24, 2018
Si tu devais délivrer une passe décisive ?
Je vais délivrer une passe décisive à tous les supporters qui se bougent pour le club, qui investissent du temps et de l’argent pour animer les tribunes, qui viennent de loin, qui froncent les sourcils une semaine lorsque l’OM perd et gardent un large sourire quand le club gagne, qui débattent pendant des heures sur le prochain match, qui chantent nos chants dans le métro… Je fais une passe décisive aux personnes qui vivent au rythme de ce club.